Dès la rentrée prochaine, les nouveaux programmes de l’école primaire engageront à adopter progressivement un enseignement des mathématiques s’inspirant de la démarche utilisée à Singapour. Afin de mieux comprendre et appréhender cette démarche, une série en ligne de trois épisodes vous est proposée à compter de la fin du mois de janvier.

La Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) propose des rendez-vous en ligne réguliers « Perspectives sur … » pour décrypter l’actualité de l’éducation.

La première série de ces rendez-vous en ligne est intitulée « Perspectives sur la méthode de Singapour ». Elle permet de mieux comprendre les principes sous-jacents à cette approche et la stratégie française pour l’adapter à l’enseignement des mathématiques en France. Chaque séance présentera une situation de classe que des experts viendront commenter et analyser.


Transcription

Perspective sûr est une web-série proposée par la Direction générale de l’enseignement scolaire pour tout décrypter l’actualité de l’éducation. L’ensemble est éclairé par des reportages de terrain, commentés par des experts et des praticiens.

Sandrine Bodin, inspectrice de mathématiques et sous-directrice à la DGESCO rappelle en préambule la forte ambition pour les élèves en mathématiques.

La vidéo est émaillée d’extraits de séance de résolution de problèmes impliquant des fractions réalisés dans la classe de Marion Ripper, enseignante et formatrice.en charge d’une classe de CM2 dans l’Académie de Versailles.

Méthode de Singapour, de quoi parle-t-on exactement? S’agit-il d’une méthode ou démarche?

  • Richard Cabassu, maître de conférence honoraire en didactique des mathématiques à l’université de Strasbourg : c’est plutôt une démarche de Singapour pour l’enseignement des mathématiques qui d’abord se caractérise par son aspect systémique. Elle s’appuie sur une réforme des programmes d’enseignement, des formations initiales et continues (plan mathématique) des enseignants et des ressources mises à leur disposition (guides du cours préparatoire, du cours moyen et du collège sur la résolution de problèmes). C’est une adaptation à la France. où on a remplacé ce qui à Singapour s’appelait concret, imagé, abstrait par verbaliser, manipuler, représenter et abstraire Il y a aussi une méthode de représentation en barres ici, pour aider à résoudre les problèmes arithmétiques qui ont un énoncé en langue naturelle. Verbaliser c’est exprimer ce qui est compris, verbaliser la question posée, verbaliser pour justifier ses choix. Verbaliser, c’est vraiment le terme qui traverse toutes les étapes de cette démarche de Singapour. 

Qu’est-ce que ça vous apporte cette manière de procéder? Qu’est-ce que ça a changé dans votre enseignement et comment êtes-vous arrivée à procéder de cette manière?

  • Marion Ripper, enseignante et formatrice : le fait de permettre aux élèves d’agir et d’agir sur des objets, c’est une aide pour rentrer dans la recherche et dans une activité cognitive. C’est vrai que certains élèves, essentiellement les plus fragiles, peuvent avoir une appréhension par rapport à ce genre de tâches cognitives un peu élevées et donc de se sentir bloqués. Or, le matériel vient jouer un rôle médiateur entre l’énoncé du problème et la phase de recherche plus. Il y a moins de stress, les élèves comprennent mieux ce qu’on attend d’eux.

Est-ce que selon vous, il y a des éléments qui sont transposables au collège?

  • Marlène Esteve, inspectrice de mathématiques dans l’Académie de Grenoble, en collège et en lycée : la méthode de Singapour, qui est une démarche, comme on l’a qualifiée de cette manière, s’appuie déjà sur des recherches dans d’autres pays. Mais en tout cas, cette séance illustre comment la verbalisation et l’introduction d’un matériel de manipulation adapté permet de construire de manière concrète des concepts mathématiques qui, par essence, sont abstraits. On s’appuie sur des représentations et par le biais de la modélisation. On voit comment tous ces temps interagissent et comment chaque élève les met en œuvre avec sa propre temporalité. Cette pratique favorise la différenciation, c’est-à-dire une adaptation au rythme d’apprentissage des élèves. Le matériel a un rôle essentiel. Il donne à voir la mise en œuvre des fractions, plutôt des proportions. dans ce cas, ainsi que la notion d’unité qui peut être un nombre différent de 1. Une des difficultés connue des élèves français , c’est le passage à la généralisation des concepts. Et ces compétences se développent dans le cursus au fur et à mesure notamment par la modélisation, sous forme d’expression algébrique à l’aide des fonctions et des équations, On voit dans cette séance  germer cette notion d’équation avec la recherche d’une inconnue, avec une proposition de modélisation qui invite justement au passage à l’unité et donc à vivre la proportionnalité. Cette séance est transposable au collège avec certaines adaptations. Poursuivre le travail de modélisation en s’appuyant sur les grandeurs.

Qu’est-ce que vous avez envie de souligner dans la phase de manipulation ?

  • Richard Cabassu, maître de conférence honoraire en didactique des mathématiques à l’université de Strasbourg : manipuler, c’est effectivement traiter des objets tangibles qu’on peut toucher, etc. Ils peuvent être plus concrets, des vrais carreaux de chocolat, ou plus abstraits, comme ici, des réglettes en bois. Ce qui est intéressant, c’est de voir les traitements qu’on fait avec ces objets. Par exemple, les mettre bout à bout, soit pour montrer qu’on a affaire à la réunion de parties pour former un tout, soit au contraire, les partager en cinq parties égales. L’intérêt de ces objets tangibles, c’est qu’ils vont permettre de mémoriser les situations, de créer des images mentales pour l’avenir, donc aider à donner du sens. Et ça pourra permettre après d’essayer de les interpréter dans d’autres registres de représentation, comme des schémas ou bien des écritures préalgébriques. C’est un pas vers l’abstraction.
  • Marlène Esteve, inspectrice de mathématiques dans l’Académie de Grenoble, en collège et en lycée : l’introduction du matériel permet à chaque élève de se représenter le problème et la confrontation positive de l’usage de ces réglettes permet d’engager un débat mathématique. C’est déjà un point très important à soulever et le fait de proposer différentes représentations peut permettre une meilleure compréhension. La manipulation relève d’un premier passage à l’abstraction. Manipuler des carreaux de chocolat et manipuler des objets qui représentent ces carreaux de chocolat sont deux choses bien différentes. Ce qui est intéressant c’est la manipulation de la fraction d’un nombre autre que 1. Le matériel est support de verbalisation de l’enseignant. mais aussi support de verbalisation des élèves. Le matériel permet d’accéder à une modélisation mathématique qui peut être mise à l’épreuve. Le choix du matériel permet d’aller vers des écritures qui sont mathématiques. Les mathématiques sont aussi un écrit qui est codifié avec des écritures qui doivent avoir un sens. L’articulation écrit-oral . permet d’arriver à cette compréhension de la situation en s’appuyant sur le matériel par cette modélisation.  Le matériel permet de se créer une image mentale. Je pense que c’est à l’enseignant d’expliquer en quoi le matériel est adapté, pourquoi ce matériel-là, à ce moment-là, est pas un autre. Ça permet d’avoir plusieurs matériels dans la classe sans que les élèves confondent ou mélangent le rôle de chacun. Nous arrivons toujours dans notre série Perspective sur la démarche de Singapour aujourd’hui, à la partie correspondant à représenter.

Qu’est-ce qu’apporte le fait de représenter?

  • Marlène Esteve, inspectrice de mathématiques dans l’Académie de Grenoble, en collège et en lycée : représenter donne à voir le raisonnement des élèves, leur démarche personnelle. Les différentes représentations permettent de prendre en compte justement la diversité des élèves. La représentation est une étape vers la modélisation. qui permet de passer du registre de la langue naturelle au registre des mathématiques. Ca pourrait être le registre algébrique si on va vers le collège. La représentation est un support pour expliquer son raisonnement, argumenter. pour démontrer, mais aussi renforcer le vocabulaire spécifique inhérent aux concepts qui sont en jeu dans l’activité mathématique. La liberté de représenter en s’appuyant sur le matériel de manipulation, ça permet de construire le sens de ces représentations.
  • Marion Ripper, enseignante et formatrice : c’est une démarche que les élèves adoptent assez facilement.
  • Richard Cabassu, maître de conférence honoraire en didactique des mathématiques à l’université de Strasbourg : on a différents registres de représentation : le début un énoncé écrit, une représentation avec des réglettes en bois, puis des schémas en barre et puis après des écritures préalgébriques.  Pour chaque système, il y a différentes manières de traiter dans le système: on peut par exemple reformuler un texte écrit. mettre bout à bout des réglettes en bois ou bien les partager, etc. Et si les nombres sont trop grands, il faut passer aux calculs écrits parce que ça va être plus facile à gérer. Donc le système de représentation est guidé pour une histoire d’efficacité dans la résolution de problème, soit de l’efficacité dans le choix du système de représentation, ou à l’intérieur du système, le choix de la procédure de traitement que je vais choisir.

Comment s’effectue le passage à l’abstraction chez les élèves?

  • Richard Cabassu, maître de conférence honoraire en didactique des mathématiques à l’université de Strasbourg : je pense d’abord que c’est un passage qui est très progressif. C’est-à-dire, là, on commence par abstraire des carrés de chocolat en les représentant par des réglettes en bois. Puis après, on va représenter ces réglettes en bois par des carrés qui seront des barres dans lesquelles on va mettre des nombres, et après on va encore abstraire ces représentations en barres par des écritures avec des nombres. Donc on voit que c’est très progressif et donc l’abstraction, on peut dire, commence dès la maternelle avec le nombre qui va représenter des constellations d’objets. Pour d’autres élèves, ils pourront passer directement de l’énoncé écrit à une représentation en barre ou même, pour certains, déjà à des écritures préalgébriques. C’est cette progressivité qui est importante.
  • Marion Ripper, enseignante et formatrice : l’abstraction. se construit à chaque étape du raisonnement et prend appui sur les représentations mentales de l’élève, et j’ai envie de dire de l’enfant, c’est-à-dire l’élève dans son entièreté, c’est-à-dire aussi dans ce qu’il vit en dehors de l’école. Et c’est là où la verbalisation vient encore jouer son rôle, c’est qu’il va permettre d’accéder à ces images mentales qui se sont aussi construites en dehors de l’école. et auxquelles finalement il faut pouvoir accéder pour être sûr que le concept se construise dans sa justesse. Pour moi, il s’agit d’une étape qui finalement échappe un peu le plus à l’enseignant, L’abstraction, c’est un processus assez intime, finalement, auquel on a finalement peu accès, sauf en faisant verbaliser. Et pourtant, c’est là où le rôle de l’enseignant est le plus important. Donc c’est un un passage délicat et qui convient, je pense, de continuer d’y réfléchir en équipe, justement, pour le rendre plus facile, plus accessible.
  • Marlène Esteve, inspectrice de mathématiques dans l’Académie de Grenoble, en collège et en lycée : l’abstraction est présente à différents niveaux, Richard l’a mentionné. Les modalités de la séance, le matériel mobilisé, les traces écrites auxquelles on va faire appel, toutes les formes de verbalisation, tous les écrits sont autant de différents types de passages à l’abstraction. Donc , le matériel aussi lui-même va jouer un rôle tout aussi important et le choix de ce matériel est important..

« Perspectives sur la méthode de Singapour » – épisode 2

Transcription à paraître

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